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Notice par Pierre Gentès, Galerie 75 Rouen:

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Aurore Levasseur est peintre.


Tenace, buttée, effrontée et tendre, Aurore Levasseur, navigatrice experte, évita les écueils et les croche-pieds du nouvel académisme qui veut que la peinture soit morte. Sans scrupules, mais avec détermination, elle a chaussé les bottes de la tradition plongeant son regard et son âme dans la verticalité du Métier qui voulu qu'un jour on s'interrogeât sur la représentation et sa nécessité.
Aurore sait peindre, elle se l'ai appris en cherchant chez ceux qui savaient de quoi étayer son ambition.


Aurore se regarde et se parle. Son pinceau est sa voix, ses toiles un monologue. Elle se palpe, se caresse, s'envahit du regard pour se décrire, se connaitre et se reconnaître. Elle marche au plus profond de ses représentations sans goguenardes ironies. Un peu moqueuse, elle se prend par le bras et, en soignant les ombres, les drapés et le cadre, elle s'invite à un demain aux nouvelles lumières et aux autres regards.


Le peintre parle à sa toile, la toile lui répond, et le presse, et lui demande pourquoi tu me fais naître, et le peintre de répondre que c'est elle qui l'invente et non lui qui la crée. Tous deux se regardent et ne font qu'un seul. C'est le peintre et son œuvre, c'est l'œuvre et son peintre.
Les toiles d'Aurore sont des miroirs aux étranges pouvoirs qui nous font nous y voir alors que c'est elle qui s'y montre.


Certains la trouvent impudique, lui demande de cacher ce sein, qu'ils ne demandent qu'à voir, car des enfants, sans doute, pourraient l'apercevoir. Ce sein Aurore le connait, c'est le sien, il appartient à ce corps, qui est aussi le sien, et ce corps qu'elle se montre et qu'elle nous montre, elle le façonne, sur la toile, d'ombres et de lumières et dans la vie, aussi. En peintre, Aurore nous fait les témoins de ce dialogue, de ce travail, de ce parcours. Un témoin n'agit pas, mais il voit, ou peut voir, faisant de son regard l'écho de ce qui lui est montré. Sommes nous complices ou même promoteurs ? En se prenant pour sujet Aurore nous le demande.


La peinture d'Aurore Levasseur n'est pas une petite chose posée par ennui ou facilité sur une toile endormie qu'un hasard de la vie aurait déroulée. Il faut pour la goûter s'y laisser immerger et penser à la main, au bras, à l'épaule, au cerveau, à l'être, qui, par nécessité, est venu s'y poser en se représentant.


A cette double mise à nu du sujet et de son peintre s'ajoute l'obligation de la maîtrise du Métier. Aurore Levasseur a choisi de se représenter, s'interdisant la faiblesse d'un trait, la mollesse d'une ombre, une proportion ratée. Si c'est elle qu'elle veut voir, là sur la toile, nous, nous y voyons le travail d'un peintre.

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Octobre 2018

Aurore Levasseur

La femme dans sa vérité

Par Elisabeth Le Borgne pour Les Affiches de Normandie

 

Première exposition en solo pour Aurore Levasseur à qui Pierre Gentes et la Galerie 75 (Rouen) ont choisi de faire confiance jusqu’à la fin du mois de novembre… au moins ! Aurore s’inspire des œuvres classiques pour peindre le corps des femmes, non pas tel qu’il nous est montré dans les magazines de mode, mais tel qu’il est bien souvent « dans la vraie vie ». Souhaitons une belle et longue carrière à cette jeune artiste !

Aurore Levasseur a suivi cinq années durant les cours des Beaux-Arts de Rouen. Les difficultés qu’elle a pu y rencontrer l’ont aidée à mieux comprendre ce qu’elle avait envie de peindre et de montrer au public. Rapidement, elle a opté pour le corps de la femme. Non pas ce corps de starlette la plupart du temps outré et retravaillé pour nos magazines ou nos émissions TV, mais « le vrai », celui dans lequel toute femme « normale » évolue chaque jour et dans lequel elle se sent plus ou moins bien pour des tas de raisons différentes. Par exemple, parce qu’elle a trop de bourrelets, que ses cuisses sont trop larges, que ses seins sont trop gros ou pas assez, ses jambes trop maigres ou boudinées, moches en tout cas… Car une femme ne fait pas l’autre et ce que l’une apprécie chez une autre, cette autre va le rejeter et envier ce que l’une a, estime-t-elle, de mieux qu’elle. Bref, c’est compliqué ! Du moins est-ce justement ce corps imparfait de la femme que l’artiste veut nous montrer en prenant systématiquement le contrepied de l’académisme actuel.

Bon… Avouons-le, mais vous l’aviez compris… : Aurore est ronde. Et alors ? C’est ainsi. Et l’on n’y peut pas toujours grand-chose. Sa peinture, que d’aucun pourrait prendre pour de la provocation, a donc un côté thérapeutique. Pour elle, mais aussi pour les autres femmes -et elles sont légion- qui, comme elle, n’entrent pas dans la « norme ». Et, d’ailleurs, si elle peint régulièrement son propre corps à l’aide d’un miroir par ex., elle n’hésite pas à exagérer à plaisir -et pas en sa faveur- la condition de ce corps. Il arrive que ses œuvres mettent le regardeur mal à l’aise. Dans notre société, les personnes enrobées « doivent » ou « se doivent de » cacher leurs formes. C’est à Palerme où elle a passé 6 mois en classe ERASMUS que l’artiste s’est beaucoup intéressée à l’histoire de l’art et à la peinture ancienne qu’elle n'a eu de cesse de reproduire avant de prendre le parti de la détourner tout en la réactualisant, créant ainsi des ponts entre le passé et aujourd’hui. Grâce à une reconnaissance certaine de son travail, elle a là-bas entendu ce qu’elle avait envie de faire et n’a plus hésité à sauter le pas.

A la Galerie 75, Aurore Levasseur présente 16 très grands formats pleins de lumière et des miniatures, plus facilement manipulables que les grandes toiles, « comme les femmes-objets », souligne-t-elle. Cela ne fait que deux ans que l’artiste a quitté l’école. Jusqu’ici, elle avait surtout montré son travail au Salon de Rouen ce qui, déjà, lui a permis d’obtenir le soutien des plus anciens et d’entrer dans la grande famille artistique de notre région. Cette exposition en solitaire chez Pierre Gentes est pour elle une grande première. Ses maîtres-mots : unité et cohérence. Qui ne peuvent que s’imposer avec le travail et le passage du temps. Comment pense-t-elle évoluer dans un proche avenir ? Elle n’en sait rien… Tout dépendra de son état d’esprit du moment. « Il n’y a pas de constante dans les émotions », affirme-t-elle à juste titre. Tout est question de dialogue avec le corps qui peut amener tour à tour une sorte de provocation ou de torture, ou à l’inverse de la générosité et de la drôlerie. Une artiste qui a plus d’un tour dans son sac et qui mérite d’être suivie !

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Elisabeth Le Borgne

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Aurore Levasseur, peinture – Jusqu’au 30 novembre 2018 – Galerie 75 – 75, rue Bouvreuil - 76000 Rouen – Visible les jours ouvrables de 15 h à 19 h – Tél : 06 77 38 48 33 - A découvrir  

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